A l'ombre des regards (Roman édité)


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Paru aux éditions Kitsunegari !
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          LA FOIRE AUX EXTRAITS

        
         Chapitre 10 [Extrait n°1]


La pendule de la cuisine indiquait 19 h 30 quand je revins enfin à la maison. Mon dernier cours avait fini plus tard que prévu et je dus rentrer alors qu’il faisait nuit, ce qui me causa pas mal de frayeurs sur le chemin du retour.
Étais-je en train de tourner parano ? Non, car en me disant « Ne fais plus jamais ça » après que je l’avais giflé, cela signifiait bien qu’il n’en avait pas terminé avec moi.
Devais-je alors en parler à quelqu’un ? Peut-être, oui. C’était même préférable.
Mais… comment avouer ce genre de choses ?
Ah oui et au fait, j’ai oublié de vous dire ! Un type relou a flashé sur moi dans un bar et depuis, il est tellement accro qu’il a débarqué l’autre soir chez Thomas pour me plaquer contre un arbre et me peloter contre mon gré ! Quelqu’un peut me passer le fromage ?
Je m’imaginais déjà enfermée dans la tour de Raiponce avec un traceur GPS scotché sur le front, un soutien-gorge entouré de fil de fer barbelé et la culotte cadenassée !

Chapitre 22 [Extrait N°2]


Je levai alors la tête vers lui, la différence de taille n’enlevant rien à ma détermination. Je ne décolérais pas. Pour une fois, je réclamais les réponses à mes questions.
— Pourquoi, tout de suite, j’aurais quelque chose à te cacher ? Tu me mords, tu bois mon sang, tu es invisible dans les miroirs, tu ne peux pas aller au soleil et tu dis qu’une nana dangereuse veut peut-être s’en prendre à moi. Alors franchement, je trouve légitime de vouloir en savoir plus ! Et je vais te dire Russel, des questions, je n’en manque pas. J’ai, par exemple, besoin de savoir aussi si cette femme est comme toi… une ombre.
— Non.
— Mais encore ?
— Elle est parfaitement humaine. Seulement, sache que même les humains peuvent être des tueurs. Vous n’êtes pas meilleurs que nous. Vous voyez les choses différemment, c’est tout.
— Ouais, on ne boit pas le sang des autres, nous !
— Mais vous pouvez commettre des actes bien plus atroces que cela. Ne va surtout pas t’imaginer que tous les psychopathes sont des démons. Ils sont souvent cent pour cent humains malgré ce qu’ils ont fait.
— Sans doute, mais je m’en fiche moi des humains là ! Mis à part toi et les démons moches, y a-t-il d’autres créatures sur Terre ?
— Des milliers, des centaines de milliers peut-être même.
— Mais nom de Dieu, où se cachent-ils ? Pourquoi on ne voit rien, m’exclamai-je, sidérée.
— Parce que vous ne savez pas regarder. Oh, tu sens tellement bon, Ondine, changea-t-il de sujet.
— Ah, tu aimes mon parfum ? C’est...
— Veux-tu bien te taire, dit-il en me tirant brusquement vers lui.
— Oh Russel, non, mais…
Impossible de l’arrêter. Il colla sa main contre ma bouche grande ouverte pour m’empêcher de parler. Puis il m’embrassa dans le cou, ce qui me fit aussitôt frissonner. Je détestais ça ! J’étais encore une fois sous son contrôle et bien malgré moi, je sentais mon désir augmenter dangereusement tandis qu’il était en train de me mordiller la peau, quand Elvis Presley se mit soudain à chanter au fond de mon sac.

Chapitre 24 [Extrait N°3 ET dernier Extrait]  

24 décembre 1995.

Oh, jingle bells, jingle bells, jingle all the way ! Oh, what fun it is to ride in a one-horse open sleigh. Jingle bells, jingle bells, jingle all the way! Oh, what fun it is to ride in a one-horse open sleigh.
Des guirlandes lumineuses clignotaient un peu partout dans le parking couvert du centre commercial. Il allait bientôt fermer ses portes, mais histoire de finir en beauté avant le réveillon, on entendait au loin ce stupide chant de Noël que ces saletés d’humains mettaient en boucle depuis le début du mois. La fin de ces fêtes ridicules me tardait.
Pour oublier mon éternelle solitude, j’étais parti acheter un pack de bières : des Kronenbourg. À peine les avais-je payées avec la monnaie qu’il me restait de mon dernier restau – une femme AB négatif au portefeuille bien rempli –, que je me ruais dehors pour boire les vingt-quatre bouteilles cul sec.
J’étais salement déprimé ce soir-là. Je haïssais cette période bariolée qui rimait avec amour et amitié. Ça faisait bien longtemps que je ne croyais plus au Père Noël ! Et puis, de toute façon, je n’avais pas été très sage ces dernières années pour mériter un quelconque paquet cadeau.
Je jetai violemment ma Kronenbourg qui se brisa en mille morceaux contre le mur du local à poubelles. Jingle bells tambourinait fort dans ma tête, c’était insupportable ! Je me bouchai les oreilles en criant à tue-tête.
— Tais-toi, mais tais-toi. Tais-toi !
J’ouvris mon ultime bière, mes crocs pointus me servant de décapsuleur. Je crachai le bout de métal par terre avant d’engloutir les vingt-cinq centilitres d’alcool.
— À la tienne, Russel ! Joyeux Noël ! beuglai-je, saoul et désespéré.
Il me manquait tellement. Je ne valais rien sans lui, sans mon créateur, sans mon maître. Pourquoi m’avait-il laissé ? Pourquoi ?
Je traversai le parking à présent désert, quand je la reconnus soudain, elle était apparue comme par enchantement à quelques mètres de moi. C’était Pénélope, avec vingt-trois années de plus. Ce qui lui faisait… quarante et un ans, déjà. Le temps passait si vite. Pourtant, moi, je n’avais pas changé. Je ne vieillirais jamais.
Je m’avançai vers elle d’un pas malhabile, encore alcoolisé même si les ombres se remettent très rapidement d’une gueule de bois.
— Pénélope ? dis-je, abasourdi par la probabilité de tomber un jour sur cette femme qui fut tout pour moi et qui, par sa méchanceté, avait scellé mon destin.
— Euh… on se conn…
Mais au moment où la lumière du lampadaire vint éclairer mon visage, elle s’arrêta net et ouvrit grand la bouche, choquée.
— An… Antonin ? fit-elle en fronçant les sourcils. Non, c’est impossible !
— Et si, c’est bien moi, celui que tu as largué comme une sous merde ! ris-je, nerveusement.
— Mais… Tu… On te croyait mort, souffla-t-elle d’une voix à peine audible.
— La preuve que non, Pénélope !
Elle ne semblait pas rassurée du tout.
Elle avait beaucoup changé depuis ce fameux été 1972. Silencieux, je me mis à la regarder de la tête aux pieds. Fini le corps sexy de ses dix-huit printemps. Finis ses petits seins rebondis et ses fesses musclées. Elle devait à présent peser une dizaine de kilos en trop et des rides étaient apparues sur son visage vieillissant.
— Tu sais, tu m’as fait beaucoup de mal ! dis-je, en colère.
— Je… Je suis désolée, Antonin.
Elle était tétanisée et n’osait plus bouger. Elle devait se poser tellement de questions à mon sujet. Comment pouvais-je être exactement le même qu’à l’époque où elle m’avait quitté ? Comment pouvais-je faire aussi jeune plus de vingt ans après ? C’était impossible. Et pourtant. Je me tenais là, à quelques centimètres d’elle, visiblement rancunier. La pilule n’était pas passée, bien au contraire. J’étais ivre de colère. C’était de sa faute tout ce qui m’était arrivé. Entièrement de sa faute !
— Ah ouais ? Tu es désolée ? Je t’en foutrais, moi




Je dédie cette histoire à ma merveilleuse grand-mère, cette femme aux mains froides mais au cœur chaud qui m’a appris que la vie est une tartine de merde dont on mange une bouchée chaque jour, ce qui ne doit pas nous empêcher d’être heureux.
 


 

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